1895....LA GAZETTE DU
VILLAGE document
original
Bien que ce temps soit en
dehors de nous même , il a laissé sa marque en influant notre
devenir individuel et collectif.
De ce
journal ,avec ses pages légèrement ambrées après 121 ans
d´âge, il y a les Nouvelles du Monde au jour le jour , et aussi des
idées, de recettes et de remèdes du monde agricole.....et en plus,
avec le recul , un constat de certaines de nos erreurs
d´aujourd´hui ou d´hier.
Sortir un peu du monde du
dedans où nous sommes, pour pouvoir l´observer du
dehors..........c´est vouloir apporter aux habitudes d´un atavisme
,un plus, qui l´oppose aux rivalités mercantiles guidées par
l´argent-roi .
L´illusion des appâts est en
fait un brouillard d´un hologramme qui occulte
la vision de la vraie vie.
Ce n´est pas facile de faire
une agriculture propre ,seul, dans un contexte planétaire où les
prix du marché sont dictés par des concurences dont les règles de
chaque pays sont pipées par rapport aux autres .
Un égoïsme individuel ne
peut que faire de chacun un prédateur, et non un allié pour la
nature dont nous sommes les hôtes.....mais indésirables.
A moins que !
Introduction à |
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la Gazette du
village |
Je me révolte donc
nous sommes
u
Livret de Paul-Louis,
vigneron et de
la Gazette du
village, lequel
fut écrit le premier ? Difficile de répondre à cette
interrogation. Mais cette difficulté est de peu d’importance
car, signe d’une effervescence des tensions politiques en
France, ces deux pamphlets furent publiés au même moment, à savoir
en février 1823. Ils sont donc les deux faces de la même
médaille.
Médaille chauffée à blanc
pour laisser trace indélébile à tout téméraire qui la voudrait
saisir à pleins mains. Dans leLivret, un paysan « découvre » la
capitale dont l’adage prétend qu’il n’est bon bec
que d’elle. Il en va tout autrement avec la
Gazette du
village, sorte
de journal qui « n’est ni littéraire, ni
scientifique, mais rustique » et doit
« intéresser
tous ceux que le terre fait vivre, ceux qui mangent du pain…
avec un peu d’ail… »
Faussement naïf, le bonhomme
Paul, c’est-à-dire cette construction à mi-chemin entre le
paysan aux mains calleuses et aux reins douloureux et ce personnage
directement sorti de l’univers habilement subversif de La
Fontaine, est ici l’héritier en droite ligne de
l’orateur athénien Lysias. Pas de théorie, non plus que de
lyrisme cher à Chateaubriand mais de petits tableaux courts, vifs,
tranchants, échos comiques ou dramatiques de la vie en province où
bat le cœur de la France et que méprisent les gens de
cour :
- Les vaches ne se
vendent point. Les filles étaient chères à l’assemblée de
Véretz, les garçons hors de prix…
- A Amboise, on plantait la
croix dimanche passé, en grande pompe. Monseigneur y
était…
- Nous voilà saufs de
saint-Anicet, temps critique pour nos bourgeons. Si la vigne peut
passer fleur et ne point couler…
Dans ces notes qui
ressemblent à s’y méprendre à un journal intime, un fil rouge
qui permet de suivre le feuilleton local de la lutte sourde entre
les paysans et les autorités religieuses et politiques, ces deux
s’épaulant l’une l’autre. Mais qu’on ne
s’y trompe pas : il s’agit bien d’une
dramatisation singulière des réalités qui agitent le pays tout
entier, la Touraine en particulier et, au cœur de celle-ci,
Véretz. Une précision toutefois : si le vigneron de la
Chavonnière centre son propos sur la paroisse où il
habite avec son épouse et son fils aîné, sa plume effectue quelques
incursions à Luynes, Saint-Etienne-de-Chigny, Amboise… Nous
avons affaire là à une sorte de kaléidoscope qui, déchiffré comme
il faut, compose un tableau accablant pour le pouvoir central et
ses affidés.
Courier a-t-il mis en scène
le peuple pour prioritairement s’en prendre au pouvoir ?
Question oiseuse. Lebonhomme Paul connaît la condition du paysan et
s’effraie de cette machine à broyer les hommes qui apparaît
sous les traits de ce qu’on appelle la
modernité :
- Pierre Moreau et sa
femme sont morts, âgés de vingt et vingt-cinq ans. Trop de travail
les a tués, ainsi que beaucoup d’autres. On dit travailler
comme un nègre, comme un forçat ; il faudrait :
travailler comme un homme libre.
Lointain écho du mot
terrible jeté à la face du monde par Mme Roland au pied de
l’échafaud, cette revendication légitime qu’est la
liberté est impitoyable. Pour la petite histoire, dans le dossier
de ce site consacré à Courier, « Ils ont dit de lui »,
une place est réservée aux poètes et, parmi ceux-ci, sont
reproduits plusieurs poèmes d’Eugène Bizeau (1883-1989) et un
de son fils Max-Olivier. Il se trouve que Pierre Moreau et sa femme
sont les parents de la grand-mère d’Eugène…
Courier dénonce ce mal que
sont les nombreux impôts supportés par le peuple et, plus encore,
ce fléau qui accable les paysans : la conscription. Cette
dernière mesure mise en place par la Révolution prévoyait
d’appeler les jeunes gens à protéger la patrie en danger. La
Convention procéda à une première forme de conscription par la
levée en masse de 300 000 hommes qui fut vivement contesté par
le peuple.
Affirmant que « tout
Français est soldat et se doit à la défense de la patrie »,
la loi Jourdan du 5 septembre 1798 fonda durablement la
conscription et le service militaire moderne. Échappant aux
professionnels, le service des armes devint une obligation pour
tous les citoyens mâles de 20 à 25 ans obligés de s´inscrire sur
les registres communaux. Pour s’attirer les bonnes grâces de
la bourgeoisie, Napoléon rendit possible, dans un premier temps, le
remplacement sous les drapeaux de tout appelé par un autre homme
payé pour ce faire ; dans un second temps, il instaura le
tirage au sort et réglementa les exemptions de service.
Le peuple désapprouva ces
mesures prises par « l’ogre ». Désapprobation si
puissante que, lorsque Louis XVIII octroya la Charte en juin 1814,
il annonça avec un sens politique indéniable dans l’article
12 : « La conscription est abolie. Le mode de recrutement
de l´armée de terre et de mer est déterminé par une loi.
»
Après quelques années de
flottement, le roi confia à Gouvion Saint-Cyr, ministre de la
guerre, le soin de définir cette loi. Avec le texte du 10 mars 1818
qui porte son nom, contrairement à la promesse de la Charte, le
maréchal n’abrogea pas la conscription. La loi aménagea
celle-ci en fixant à 40 000 le nombre d’hommes levés par
tirage au sort, ce qui porterait à 240 000 le nombre
d’hommes au terme de six années, durée du service du soldat.
La loi prévoyait deux étapes : faire appel aux engagés
volontaires puis, pour compléter ce premier nombre d’hommes,
procéder au tirage au sort des conscrits au chef lieu de canton
devant les autorités civiles. Les inscrits ou leurs représentants
habilités étaient appelés dans l´ordre du tableau de recensement et
devaient prendre un numéro dans une urne. Le tirage s´arrêtait
quand le contingent prévu était atteint. La possibilité de racheter
son numéro était toujours possible.
Les déserteurs étaient jugés
par un conseil de guerre et risquaient la peine de mort, de sorte
que ceux qui n’étaient pas assez riches pour se faire
remplacer furent souvent acculés au suicide :
- Simon Gabelin, ne
voulant point aller à l’armée…
Rarement, Courier ne
s’est montré aussi humain que dans ce pamphlet qui constitue,
d’une indiscutable manière, un plaidoyer pour la cause de
ceux qu’aucun porte parole ne défend et qui n’ont que
leur vie pour richesse... Cette précision pour renvoyer à leurs
études les petits esprits ou les bien pensants qui ne voient en
Paul-Louis Courier qu’un empêcheur de tourner en rond, un
trouble-fête, un gâte-sauce ; il est essentiellement autre que
cela : il est un homme qui souffre avec les autres hommes et
clame la souffrance de ceux-ci.
Un peu plus d’un
siècle plus tard, Albert Camus le rappellera à sa manière dans
« L’homme révolté » : « Je me révolte
donc nous sommes ».